Que des bonnes nouvelles ?

Ces deux derniers mois les bonnes nouvelles se sont accumulées pour les défenseurs des animaux. Le sujet de l'élevage est arrivé au coeur de l'actualité, et pour la première fois dans les média nationaux, la consommation de viande elle-même a été mise en question.

L'association L214 (que je soutiens et avec qui j'agis en tant que bénévole) a publié une vidéo sur un abattoir français, la troisième en six mois. L'impact médiatique et politique de ces vidéos est allé crescendo. À la première l'info est sortie sur les radios d'information (RTL, Inter, France Info) on parlait de "dérives" et le ministre a vaguement promis des mesures. À la deuxième on parlait de "scandales", l'info a été traitée par iTélé et BFM, et le ton a commencé à monter sur les bancs de l'assemblée nationale. À la troisième vidéo, ça s'est retrouvée au 20 heures de TF1 et France 2, et on a commencé à aborder le coeur du sujet, à savoir: faut-il continuer à consommer de la viande ? Brigitte Gothière et d'autres défenseurs des animaux ont multiplié les apparitions sur les plateaux télé pour faire passer ce message simple: la seule bête qui ne souffre pas, c'est celle qu'on ne tue pas. Simple, logique, et imparable. En face les well-faristes comme Jocelyne Porcher (chercheuse de l'INRA qui représente en gros les éleveurs soucieux du bien-être de leurs bêtes) ou les défenseurs décomplexés du carnisme comme Dominique Lestel (auteur d'une "Apologie du Carnivore") avaient bien du mal à paraître crédibles ou cohérents.

De plus, les deux vidéos les plus récentes ont été tournées dans des abattoirs de petite taille certifiés "Bio" et "Label Rouge" et tout ce qu'on veut. En bref il correspondaient en tout point au stéréotype de la viande "heureuse" et "de qualité" mis en avant pas les bo-bo pour justifier leur consommation de viande tout en condamnant l'élevage "industriel" dont le caractère "industriel" serait seul responsable du mauvais traitement des animaux.

Du côté de la presse écrite les articles se sont multipliés, on pourrait citer celui-ci dans Le Monde ("Manger de la viande ça demande trop de reniements de principes") ou encore dans Libération l'éditorial de Laurent Joffrin (Derrière la gastronomie, une cruauté de masse) ou la tribune de Florence Burgat (Portons un coup au plaisir carnivore).

Quant à Stéphane Le Foll, notre ministre de l'Agriculture pourtant prompt à pourfendre les végétariens (en prenant position contre le menu végétarien dans les cantines scolaires par exemple), le voilà qui annonce la création d'un nouveau délit de maltraitance des animaux après avoir promis la présence d'une personne responsable la protection animale (whatever it means...) au poste d'abattage de tous les abattoirs français. Les vétérinaires présents dans les abattoirs ont en effet pour habitude de se concentrer sur l'examen des animaux avant l'abattage (pour détecter les animaux malades) et sur la découpe après l'abattage (pour repérer d'éventuels problèmes d'hygiène). Autrement dit la qualité sanitaire de la viande est leur premier souci, et la souffrance des animaux arrive loin derrière dans l'ordre des priorités. Je n'écris pas cela pour les blâmer: le seul, le vrai responsable de tout ce bordel organisé, c'est le CONSOMMATEUR.

Par ailleurs les grandes chaînes de supermarché annoncent l'une après l'autre des gammes de produits végétariens et végétaliens destinés à remplacer la viande dans le panier de la ménagère de moins de cinquante ans.

Que de bonnes nouvelles donc ? Avant de faire péter le Champomi et de sortir les claquettes, les tutus et les frou-frous, respirons un grand coup.

La viande reste légale dans ce pays. Le gavage, la corrida également. En 2016 comme en 2015, plus d'un milliard d'animaux terrestres seront abattus en France, et vont agoniser sur une chaîne d'abattage, suspendus à un pied, égorgés et vidés de leur sang alors qu'ils sont encore vivants et parfois encore conscients. En 2016 comme en 2015 des millions de canards et d'oies vont être soumis au gavage, pratique cruelle s'il en est, interdite dans la plupart des pays européens. En 2016 comme en 2015 les enfants vont continuer à applaudir des fauves dans les cirques ou des orques dans les aquariums, animaux prélevés dans leur environnent naturel, et qui finissent par devenir fous à cause du confinement dans une minuscule prison. En 2016 comme en 2015, on continuera à acheter des millions de sacs et chaussures en cuir c'est à dire fabriqués avec la peau d'animaux morts, et parfois élevés uniquement pour leur peau ou leur fourrure. Alors même que les alternatives au cuir sont nombreuses et bon marché. En 2016 comme en 2015, les adolescents qui choisiront d'arrêter de consommer de la viande et du lait feront face à des réactions de peur, de rejet, d'hostilité dans leur propre famille et parmi leurs amis. En 2016 comme en 2015 dans l'immense majorité des restaurants scolaires et restaurants d'entreprise, on aura le choix entre viande et viande (ou éventuellement poisson ou oeufs), et trouver une assiette sans lardons ou sans miettes de thon au buffet des entrées relève de l'exploit. En 2016 comme en 2015 des publicités télé et des 4x3 dans toutes les villes vont continuer à marteler le même message: mangez de la viande, mangez des produits laitiers.

Le chemin à parcourir sera long avant d'atteindre l'éveil des consciences et de réels progrès dans nos relations avec les animaux. Réjouissons-nous de ces bonnes nouvelles mais restons lucides. Le jour où le nombre de véganes dépassera celui des électeurs d'extrême-droite dans ce pays, ce jour-là, je veux bien faire la fête, boire et danser toute la nuit avec un slip sur la tête. Mais ce jour est encore bien loin...

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