Lettre ouverte à Danielle Michel et Jean-Louis Carrère

Cher Monsieur le Sénateur, chère Madame La Sénatrice,

J’ai lu dans la presse que vous souhaitiez créer une commission d’enquête parlementaire sur les militants animalistes. Comme j’en suis un, si vous tenez à me rencontrer pour commencer votre enquête, je me tiens à votre disposition.

Le résultat de cette enquête risque de vous décevoir : je suis un père de famille de 40 ans, qui gagne sa vie dans l’informatique. Je vote, je travaille, j’élève mes enfants, je paye mes impôts, je donne des étrennes au facteur et au gardien. Un citoyen ordinaire et sans histoire, qui traverse dans les clous et qui vote au centre-droit, voilà mon profil.

Simplement il a quelques années, j’ai ouvert les yeux sur certaines pratiques qui sont parfaitement immorales (corridas, cirques, vivisection, élevage industriel) et comme l’éthique est importante pour moi, j’ai décidé de changer mes habitudes de consommation. J’ai décidé également de contribuer à informer le public en distribuant des tracts, en participant à des manifestations, ou en relayant des articles et des vidéos sur internet. Eh oui, j’ai rejoint volontairement ce « phénomène inquiétant dont les ramifications et le financement s’étendent dans le monde entier ». Et pourquoi ce mouvement s’étend au monde entier ? Tout simplement parce que nous sommes nombreux à vouloir un monde plus juste et plus éthique.

Si vous avez la patience de m’écouter, je pourrais vous expliquer en quoi humanisme et défense du droit des animaux sont parfaitement compatibles. Je pourrais vous conseiller quelques lectures utiles (Peter Singer, Garry Francione, Matthieu Ricard). Pour moi défendre les faibles et les opprimés, ce qui est la base de l’humanisme, est aussi la base de l’anti-spécisme. Vouloir créer une division entre « des populations attachées aux valeurs de l'humanisme et celles qui prétendent lui substituer l'idéologie animaliste » n’a tout simplement aucun sens.

De nombreuses études scientifiques ont mis en évidence un lien entre la violence contre les animaux et la violence contre les humains. C’est bien compréhensible si l’on songe que selon la formule de Lamartine, « on n’a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les hommes : on a un cœur ou on n’en n’a pas ». À moins d’être complètement dissocié, ce qui est une pathologie en soi, on ne peut pas être cruel avec les uns et bienveillant avec les autres.

Je comprends fort bien pourquoi vous souhaitez flatter le lobby pro-corrida pour des raisons électoralistes et clientélistes. Ce n’est pas glorieux mais c’est compréhensible pour votre intérêt à court terme. Cependant, laissez-moi de vous le dire, c’est un combat d’arrière-garde que vous menez, et ce combat, vous l’avez déjà perdu. Les sondages montrent que trois quarts des Français sont pour l’abolition de la corrida. S’il était possible d’organiser des référendums d’initiative populaire comme en Suisse, la question serait réglée depuis longtemps. Ouvrez les yeux ! L’Espagne est en train d’interdire la corrida partout : ville après ville, région après région, cette pratique cruelle et d’un autre âge disparaît. Il serait extrêmement paradoxal que la France maintienne sur son sol une pratique importée d’un pays (l’Espagne) où elle n’existe plus ! Dans 10 ans, quoi que vous fassiez, la corrida aura complètement disparu de toute l'Europe. Dans une démocratie, quand l’opinion se met en marche, aucun élu ne peut l’arrêter.

Si vraiment c’est important pour vous, allez-y, enquêtez sur les militants si vous pensez réellement que des citoyens préoccupés d’éthique et d’un rapport bienveillant aux autres espèces sont un danger pour quiconque. Si vous pensez qu’il n’y a pas meilleur usage de l’argent public que d’organiser une commission d’enquête parlementaire (et de continuer à subventionner des pratiques cruelles et moyenâgeuses comme la corrida), allez-y. Contrairement à ceux qui gagnent leur vie en torturant des animaux et en vendant ces séances de torture comme un spectacle, nous n’avons rien à cacher, et rien à nous reprocher. Nous n’avons pas de sang sur les mains, et nous n’en aurons jamais, car c’est la non-violence qui nous motive. Et les personnes qui nous inspire ne sont pas des politiciens corrompus et clientélistes, mais des personnalités comme Ghandi, dont personne, même pas vous, ne contestera que c’était un grand humaniste, et qui a déclaré que la grandeur d’une nation et d’une civilisation se mesure à la façon dont elle traite les animaux.

Recevez, Madame, Monsieur, mes salutations respectueuses.

Haut de page